Le Dindon

Le théâtre de Feydeau n’a pas pris une ride et la metteuse en scène Aurore Fattier transpose sa mécanique irrésistible en machine à fantasmes cruelle et frénétique. Elle ose une adaptation queer en miroir de l’ère post-Metoo et orchestre un ballet de créatures qui chantent et dansent sur des airs de cabaret. La nuit est propice aux pulsions sexuelles débridées, à ces orgies secrètes qui vont de pair avec les cercles du pouvoir, à des fêtes sans fin où les malentendus vont bon train. Le jour, les personnages sont les pantins hypocrites d’un cabinet d’avocat. Le soir, rapports viciés et travers humains se transforment en cauchemar éveillé, où les tromperies sont la règle et la moralité de façade remisée au vestiaire. Porté par une troupe de professionnels et d’amateurs déchaînée, ce dispositif léger et cadencé fait la part belle au travestissement, tandis que l’usage du cinéma direct offre une immersion dans ce chassé-croisé de désirs décomplexés. Un théâtre du rire et du dévoilement où les portes claquent avec panache.